Pour que vous soyez en pleine conscience de l’histoire de l’Aikibudo et ayez la certitude de son originalité.
La pratique du maître Maitre Mochizuki s’appuie sur une expérience martiale hors du commun et pour une grande partie acquise avant que le Professeur Jigoro Kano ne lui confie la mission d’aller étudier le Daïto Ryu Jujutsu au Dojo du Maître Ueshiba en 1930.
Après avoir pratiqué le Judo et le Kendo dans son enfance, il fut accepté en 1924 comme élève dans la section judo du dojo du Professeur Toku Sanpo, puissant judoka disciple du Judo Kodokan, par ailleurs escrimeur hors pair, avec qui il put pratiquer le Kendo. Kendo qu’il étudia également avec Nakayama Hakudo Sensei élève du célèbre escrimeur Takano Sasaburo.
Il s’était également engagé dans l’école de Jujutsu « Gyokushin Ryu (?? : esprit sphérique) » où il étudia sous la direction du Soke Oshima Sanjuro et dont il reçut en 1925 le Mokuroku Menkyo. Ce fut pour lui une exceptionnelle occasion d’étudier les Te Waza (techniques de bras), les Koshi Waza (techniques de hanches) et ce qui deviendra une des richesses de l’Aikido-Jujutsu du Yoseikan (et donc de l’Aikibudo) les Sutemi Waza.
Dans l’environnement de Toku Sanpo Sensei, il devint disciple principal et Uchi Deshi du célèbre et raffiné Kyuzo Mifune Sensei, immense spécialiste du Sutemi Waza, et disciple du Professeur Jigoro Kano.
Au sein du Kodokan, le Professeur Jigoro Kano avait créé en 1928 une section spécifique destinée à l’étude des Arts Martiaux anciens, le Kobudo Kenkyu Kaï. C’est dans ce cadre que certains de ses Yudansha, dont Minoru Mochizuki et Sugino Yoshio, avaient été chargés d’étudier notamment le Katori Shinto Ryu et le Daïto Ryu Jujutsu, avec mission de lui rendre compte chaque mois.
Mochizuki Sensei étudia donc le Katori Shinto Ryu avec les Shihan historiques de cette école d’armes dès 1928, ainsi que, durant l’année 1930, le Daïto Ryu Jujutsu avec le Maître Ueshiba Morihei, futur fondateur de l’Aikido qui, l’ayant pris comme assistant, lui demandait d’expliquer aux autres élèves les techniques qu’il venait de démontrer. A ce propos, je me souviens qu’un jour, me rapportant quelques anecdotes sur cette période, Mochizuki Sensei me dit : « Ueshiba Sensei faisait les techniques mais ne les expliquait pas, alors il regardait les autres élèves en disant : « Mochizuki va vous expliquer » et je m’exécutais ».
Cette même année, il étudia également le Jodo Muso Shinto avec Shimizu Ryuji Sensei.
En aout 1931, gravement malade il rentre à Shizuoka où, en novembre, il enseigne le Judo, le Kobudo et l’Aiki-Jujutsu dans le Dojo fondé par son frère.
En 1933, Maitre Ueshiba lui décerna le Kôde – Okuden – Menkyo de Daito Ryu Jujutsu.
Après la guerre, à son retour de Chine, en 1946, et après avoir reconstruit le dojo de Shizuoka, dénommé le « Yoseikan », il reprit l’enseignement de ses disciplines – Judo, Katori Shinto Ryu, Kendo, Karaté, Jodo et l’Aiki-Jujutsu. Au cours du temps cette exceptionnelle expérience martiale fusionna en lui et donna naissance à l’Aiki-Jujutsu du Yoseikan.
De son coté, au cours des deux décennies qui se sont écoulées depuis 1931, l’enseignement et la pratique du maître Ueshiba Morihei avait évolué et donné naissance à un art nouveau, l’Aïkido, qui fut formalisé sous ce nom en 1947.
Aussi, lorsque Mochizuki Minoru Sensei, qui avait des liens affectifs très forts avec le Maître Ueshiba et un immense respect pour celui-ci, reçut de ce dernier le très haut titre – pour l’époque – de 8ème dan d’Aïkido, il donna le nom d’Aikido-Jujutsu à son art de l’Aiki-Jujutsu. (Indûment mais souvent appelé en France Aïkido Yoseikan ou Aïkido Mochizuki) mais il ne fit jamais d’Aikido.
De l’Aikido-Jujutsu au Yoseikan-budo et à l’Aikibudo.
Lorsque l’ACFA, dirigée techniquement par Tamura Nobuyoshi Sensei, a intégré la CNA au sein de la FFJDA, Hiroo Mochizuki Sensei (avec ma participation entre 1968 et 1969) travaillait déjà au développement du Yoseikan-Budo, concrétisant dans cet art naissant l’unité de ses compétences martiales.
Quant à moi, je poursuivais mon action en faveur de l’Aïkido-Jujutsu du maître Mochizuki Minoru. Toutefois, ma pratique se modifiait progressivement et prenait de plus en plus une forme en adéquation avec à ma recherche qui se voulait traditionnelle, évolutive et pragmatique. Ma pratique, depuis 1963, n’était déjà plus la même que celle rapportée du Yoseikan par Jim Alcheik, en 1958. Elle avait évolué tout d’abord du vide entre le décès de Jim Alcheik et l’arrivée d’Hiroo Mochizuki, puis au contact de Mochizuki Hiroo Sensei et enfin progressivement à partir de 1969 sous l’effet de mes expériences martiales et de celles de ma vie professionnelle.
Vers le CERA et l’Aikibudo
En mars 1971 le CNA devint l’Union Nationale d’Aïkido (UNA). Au sein de cette UNA, Tamura Sensei avait mis en place une méthode « nationale » d’Aikido. Cette méthode fut imposée à l’ensemble des pratiquants, annonce faite à l’INS le 1er décembre 1973 devant 300 représentants de l’ensemble des pratiquants.
Toutefois, l’Aïkido-Yoseikan n’étant pas de l’Aïkido, au sens de l’Art enseigné à l’Aïkikaï, nos pratiquants ne s’y retrouvaient pas. Par conséquent, après une ou deux années d’essais, un très grand nombre d’entre eux abandonnèrent progressivement la FFJDA pour se rassembler :
– soit au sein de l’association CERA, berceau de l’Aikibudo, que je créai en décembre 1974, avec l’aide de Claude Jalbert et d’anciens tels que Bernard Ghesquière et Hervé Villers à l’administration, Alain Roinel, André Tellier, Edmond Royo et bien d’autres à la technique et en région,
– soit autour de Mochizuki Hiroo Sensei au sein de l’Association Yoseikan Budo, qu’il créa officiellement en 1975.
André Nocquet, destitué de sa légitimité à la tête de l’Aikido Ueshiba, soutenu par son groupe, quitta également l’UNA et alla se réfugier au sein de la Fédération Française d’Aïkido (FFAD) association présidée par le Docteur Warcollier. En février 1976, notre groupe CERA rejoignait à son tour la FFAD sous l’appellation « École CERA ».
En 1978, nous avons créé une nouvelles structure, la Fédération Française d’Aïkido et de Kobudo (FFAK), afin de répondre aux exigences ministérielles en vue d’une habilitation, qui regroupera alors trois écoles : le CAB (Cercle Aïki-Budo) de Me Nocquet, le Ki no Michi de Me Noro et le CERA.
Cette même année, le patron de la SEDIREP (matériel d’arts martiaux) me fit savoir que le président de l’UNA souhaitait s’entretenir avec moi. Il organisa donc une rencontre autour d’un amical déjeuner, où le président de l’UNA m’a suggéré qu’il serait bien que je revienne au sein de l’UNA FFJDA où il serait concevable que je développe une section Aïki-Jujitsu dont je serais le Directeur technique alors que Tamura Sensei serait le directeur technique de l’Aïkido. Pourquoi pas, mais j’avais dépassé la notion de Jujutsu, ma pratique n’était pas de l’Aïki-Jujutsu et si elle devait changer de nom, celui-ci ne pouvait être qu’Aïkibudo.
En 1978, Minoru Mochizuki Sensei m’avait demandé de m’occuper de l’IMAF (l’International Martial Art Fédération) France et Europe,. Cette fédération de Budo Japonais regroupait de nombreuses personnalités de haut niveau, tel les Maîtres Mochizuki Sensei, Sugino Yoshio Sensei et était présidée par son Excellence le Prince Naruhiko Higashi Kuni, oncle de l’Empereur du Japon et ancien 1er Ministre.
C’était une époque ou ces Maîtres venaient diriger des stages en France et en divers pays d’Européens. C’est ainsi que le 19 mai 1983, lors d’un stage que nous avions organisé à Paris avec les Sensei Mochizuki Minoru, Sugino Yoshio, Torigai Yoshi, l’UNA FFJDA organisa en l’honneur de Mochizuki Sensei, dans les salons de l’hôtel Maillot, un cocktail auquel je fus invité. Sur place, je retrouvais Minoru Mochizuki Sensei, Mochizuki Hiroo, Tamura Nobuyoshi Sensei, le président de l’UNA, diverses autres personnalités. A un moment, Mochizuki Minoru Sensei m’interpella et l’on se réunit autour de moi. Là il me dit : « Alain, ce que tu fais, ce n’est pas de l’Aïkido. Il faut changer le nom. » Il propose alors « Yoseikan Budo ? ». Bien sûr, Hiroo Mochizuki Sensei et moi répondons spontanément et en écho : « Non, ce n’est pas possible ! ». Le Sensei propose alors Aïki-Jujutsu. Ma réponse est : « Non, ça ne va pas ! », et nous échangeons sur ce sujet. Je dis alors : « Ce qui correspond à ce que je fais, c’est Aïkibudo. » Mochizuki Minoru Sensei répondit : « C’est bien. » puis les autres Sensei présents répondirent l’un après l’autre : « C’est bien ».
Dont acte, dès cet instant ma pratique et l’art qui en découlait prenaient officiellement le nom d’Aïkibudo. C’est ainsi que s’écrit l’histoire de l’Aïkibudo.
Il est clair que cette réunion était organisée à cette fin, car sous le nom alors générique « d’Aikido » je pratiquais, et ce depuis l’origine, un art différent issu de l’Aikido-Jujutsu du Maître Minoru Mochizuki, art dont la nature profondément humaine et évolutive s’affirmait de décennie en décennie. Pour tous, tant pour le Maître Minoru Mochizuki, que pour mes élèves et moi-même, que pour les dirigeants de l’UNA et tous les pratiquants d’Aikido, il fallait définitivement éclaircir cette situation et clore ce débat qui durait depuis le retour en France, en 1957, de Jim Alcheik et d’André Nocquet.
Mon évolution s’étant faite sous sa bienveillance et sur les bases de l’art, de l’esprit et de l’éthique du Maître Minoru Mochizuki, c’est lui qui avait l’autorité et la légitimité pour me demander de changer de dénomination pour désigner ma pratique et cela publiquement.
Il peut être parfois dit, par simplification, généralisation ou ignorance, que l’Aïkibudo est un courant ou un style d’Aïkido. C’est comme si quelqu’un disait que l’Aikido était un courant ou un style de Daito Ryu Aiki-Jujutsu. Les faits que j’ai rapportés précédemment clarifieront peut-être les idées à ce sujet.
La source technique de l’Aikibudo est différente de celle de l’Aïkido, même si dans les deux cas il s’agit du Budo japonais et de l’universalité de l’Homme. Elle est issue de la formation martiale du Maitre Minoru Mochizuki (Judo, Kendo, Gyokushin Ryu Jujutsu, Katori Shinto Ryu, Daïto Ryu Jujutsu, Karaté) et de son expérience de vie. De mon côté, j’ai aussi pratiqué ces divers arts martiaux, certes bien plus modestement que le Sensei, tout cela est bien connu. C’est d’ailleurs avec le Kendo que j’ai vécu ma plus importante expérience martiale sur la disponibilité mentale. Cela aussi a déjà été rapporté par ailleurs. Enfin, l’Aikibudo a également une nature et une construction pragmatique, issue de mon expérience de vie, construite mentalement et physiquement sur le terrain de la violence ou le geste (ou l’action) ne peut être simulé, l’intervention simplement tentée et la vigilance prise en défaut sous peine de risques irréversibles tant pour l’intégrité physique que pour la vie.
Aussi chaque pratiquant d’Aikibudo doit être en connaissance de l’histoire et de l’originalité de son art.
Alain Floquet, Juillet 2013